Le triangle dramatique de Karpman : décoder et transformer les conflits

Un collègue qui râle encore ce matin, un manager qui coupe la parole pour “régler le problème” à sa façon, un membre de l’équipe qui se désole en boucle… Rien d’exceptionnel à première vue. Et pourtant, ces scènes du quotidien peuvent cacher des dynamiques plus profondes. Si vous avez parfois l’impression de rejouer toujours le même film, il se pourrait bien que vous soyez, sans le savoir, en plein cœur du triangle dramatique de Karpman. Cet outil est souvent utilisé lors de notre coaching professionnel à Paris aide à voir clair dans les tensions relationnelles – et surtout à en sortir. Car comprendre ce qui se joue sous la surface change tout.

Comprendre le triangle dramatique de Karpman à travers l’analyse transactionnelle

Le triangle dramatique de Karpman s’appuie sur les bases de l’analyse transactionnelle d’Eric Berne, un cadre qui éclaire nos échanges humains. Dans le monde du management, c’est une boussole précieuse pour naviguer dans les relations tendues — celles où un collaborateur semble résister ou où les réunions finissent en confrontations larvées.

Les rôles du triangle dramatique de Karpman et leur portée

Mis au jour dans les années 60, le triangle identifie trois postures typiques dans les conflits interpersonnels :

  • La Victime, souvent débordée ou incomprise. Elle cherche du soutien, mais s’enferme dans une forme d’impuissance : « Je n’y arriverai jamais, je suis dépassé… » Ce genre de phrase rassure temporairement (on compatit), mais installe un doute persistant sur ses capacités.
  • Le Persécuteur, perçu comme dur ou cassant. Il pointe les manquements avec fermeté — voire brutalité : « Ce n’est pas acceptable, tu n’es pas au niveau. » Derrière cette posture se cache souvent un besoin de contrôle ou une intolérance au flou.
  • Le Sauveur, celui qui prend la charge des autres sans qu’on le lui demande. Il croit bien faire — “Je vais t’aider” — mais finit par créer de la dépendance… puis par craquer lui-même quand il se sent seul à porter.

Ces rôles tournent vite en boucle. L’un appelle l’autre, chacun renforce l’autre. Et tout cela se joue souvent sans que personne ne mette consciemment le doigt dessus.

En arrière-plan ? Des croyances implicites :

  • La Victime pense : « Je ne suis pas OK – Tu es OK ».
  • Le Persécuteur agit depuis : « Je suis OK – Tu n’es pas OK ».
  • Le Sauveur fonctionne comme si : « Tu es incapable sans moi ».

Et quand on commence à voir ça… on ne peut plus ne pas le voir.

Ces dynamiques sont au cœur de nombreuses situations managériales tendues. Apprendre à les repérer et à y répondre avec lucidité fait partie des compétences clés travaillées en formation en gestion de conflits, notamment pour désamorcer les tensions avant qu’elles ne s’installent durablement.

Les changements de rôle, une mécanique relationnelle

Ce qui complique encore les choses ? On change facilement de rôle sans s’en rendre compte.

Imaginez une réunion projet. Sarah est cheffe de projet et veut aider Marc à tenir ses délais. Elle prend sur elle quelques livrables pour l’alléger (posture Sauveur). Mais après plusieurs semaines sans amélioration… elle explose : « Tu dois te responsabiliser ! » Elle bascule alors dans le rôle du Persécuteur. Et Marc ? Il réagit aussitôt : « J’en peux plus, j’ai trop de pression… », glissant vers la Victime.

Et voilà : en quelques minutes, tout a changé — mais rien ne s’est réglé.

Ces glissements sont fréquents. Parfois même dans une seule conversation.

Transactions cachées et jeux relationnels

Sous ces échanges visibles se cachent souvent des messages implicites. C’est ce qu’on appelle des transactions psychologiques cachées.

Prenons un exemple simple : un collaborateur dit “Tu veux que je t’aide ?”, mais ce qu’il pense réellement, c’est “Tu n’y arriveras jamais seul”. L’intention affichée est bienveillante ; le message réel, moins flatteur.

Quand ces échanges deviennent répétitifs et rigides, on entre dans ce qu’on appelle des jeux psychologiques. Des boucles où chacun reste enfermé dans son rôle — et où personne ne ressort vraiment gagnant.

Dans une équipe projet sous tension, par exemple, on voit parfois une Victime demander (indirectement) qu’on prenne sa place… puis critiquer ensuite la solution proposée par le Sauveur devenu Persécuteur. Cercle fermé garanti.

Astuces management : sortir des jeux

  • Avant d’intervenir pour “aider”, prenez 10 secondes pour respirer.
  • Si vous sentez monter l’agacement, posez-vous cette question simple : “Est-ce que je veux clarifier ou juste décharger ma tension ?”
  • Reformulez ce que vous entendez avant d’agir.
  • Demandez-vous si votre action soutient vraiment l’autonomie de l’autre.

Parfois, rien que ça suffit à désamorcer un jeu relationnel latent.

Le triangle dramatique de Karpman et les États du Moi

Les rôles du triangle dramatique s’appuient sur nos États du Moi — ces voix internes issues de notre construction personnelle : Parent, Adulte ou Enfant.

Dans ce cadre :

  • La Victime s’exprime souvent depuis l’Enfant Adapté (qui attend validation ou protection).
  • Le Persécuteur adopte plutôt un Parent Normatif (celui qui juge et impose).
  • Le Sauveur agit depuis le Parent Nourricier, mais version intrusive (“Laisse-moi faire”).

Pour changer la dynamique ? Il faut activer son état Adulte. Celui qui observe calmement, pose des questions claires et reste ancré dans le présent plutôt que dans ses automatismes relationnels passés.

Un manager face à un salarié stressé pourrait dire :
« Je vois que tu es tendu aujourd’hui. Est-ce que tu veux qu’on regarde ensemble ce qui bloque ? »

C’est simple — mais ça change tout dans la posture.

Les positions de vie et croyances sur soi/l’autre

Chaque rôle repose sur une perception implicite :

  • La Victime croit qu’elle est moins valable.
  • Le Persécuteur pense devoir corriger ceux qui ne sont “pas au niveau”.
  • Le Sauveur suppose que l’autre ne pourra pas y arriver seul…

À l’inverse, la position saine est celle-ci : « Je suis OK – Tu es OK ». Ni supériorité ni infériorité — juste deux adultes capables d’échanger avec respect mutuel.

C’est là que naissent des relations solides (et moins épuisantes).

Pourquoi les rôles reviennent sans cesse

Si ces schémas sont si tenaces… ce n’est pas par hasard.

Trois éléments clés nourrissent leur retour :

  • Un besoin affectif fort (être reconnu, aimé ou rassuré). Inconscient, souvent.
  • Des scénarios anciens appris très tôt (“Je dois toujours aider”, “Je suis nul quoi que je fasse…”).
  • Un confort paradoxal : mieux vaut rester dans un rôle connu (même frustrant) que risquer une vraie remise en question émotionnelle.

C’est humain. Mais cela crée aussi des impasses collectives durables si personne ne met en lumière ces mécanismes-là.

Dans certaines équipes très soudées, par ailleurs, on voit ces jeux tourner pendant des mois — jusqu’à créer une fatigue chronique ou une perte d’engagement collective. Sans mauvais fond chez personne ; juste un système mal calibré émotionnellement parlant.

Sortir du triangle dramatique de Karpman : posture Adulte et triangle gagnant

Sortir du jeu commence par soi-même. Bonne nouvelle : il suffit d’une personne pour casser la mécanique… si elle revient consciemment à son état Adulte.

Pas besoin d’un grand discours ni d’un changement radical chez les autres — juste d’une autre posture ici et maintenant.

Revenir à l’instant présent avec l’état Adulte

Quand quelqu’un vient vers vous avec colère ou détresse…

  1. Respirez.
  2. Identifiez votre réflexe (“Je veux régler / fuir / blâmer”).
  3. Posez une question neutre, centrée sur les faits présents :

« Qu’est-ce qui t’aiderait concrètement là maintenant ? »

L’état Adulte évite la projection émotionnelle automatique.
Il revient au réel.
Et c’est déjà beaucoup.

Le triangle gagnant : Affirmation, Soutien, Responsabilisation

Chacun des trois rôles peut évoluer vers une version constructive :

  • La Victime devient Affirmée → elle exprime clairement son besoin sans se diminuer.
  • Le Sauveur devient Solidaire → il accompagne sans infantiliser.
  • Le Persécuteur devient Assertif → il formule ses limites sans attaque personnelle.

Un collaborateur peut ainsi dire :
« J’ai besoin qu’on rediscute ensemble des priorités parce que je me sens dépassé », plutôt que “J’y arriverai jamais”.

Et cela change toute la dynamique relationnelle derrière cette phrase-là…

Développer cette posture Adulte — capable d’affirmation, de soutien et de responsabilisation — fait partie des fondamentaux abordés en formation management équipe, notamment pour les managers confrontés à des dynamiques d’équipe complexes.

Cultiver des transactions conscientes

Voici trois points concrets pour désactiver durablement les jeux :

  1. Observez vos déclencheurs internes (fatigue + urgence = terrain glissant).
  2. Dites simplement ce que vous ressentez (« J’ai envie d’intervenir, mais je préfère te laisser gérer »).
  3. Choisissez une action différente — même minime — par rapport à vos habitudes automatiques.

Astuces concrètes

  • Posez plus souvent des questions ouvertes (« Qu’est-ce qui t’a bloqué, selon toi ? »).
  • Donnez vos feedbacks sur des faits observés (pas sur des intentions supposées).
  • Si ça chauffe trop émotionnellement ? Reportez votre réponse calmement.
  • Proposez aux équipes d’analyser ensemble quand elles tombent dans ces rôles-là (sans blâme).

 

Identifier et désamorcer ces jeux psychologiques dans les interactions collectives est une compétence clé, souvent travaillée en coaching d’équipe à Paris, notamment dans les contextes de transformation, de tensions persistantes ou de forte charge émotionnelle. C’est une approche structurante qui aide les équipes à retrouver un cadre relationnel sain et responsabilisant.

Pour un management apaisé, avec ou sans coach

Le triangle dramatique de Karpman n’est pas une fatalité relationnelle ni un diagnostic figé. C’est surtout un signal utile pour repérer quand nos échanges dérapent vers des automatismes contre-productifs.

Encourager vos équipes à prendre conscience de ces dynamiques permet non seulement d’apaiser les tensions… mais aussi d’améliorer leur efficacité collective au quotidien.

Pas besoin forcément d’un coach externe dès le départ — même si le coaching de manager  peut accélérer certains déclics puissants — car chaque manager peut initier cette bascule vers plus de lucidité relationnelle, simplement en incarnant cette posture Adulte au quotidien.


Le triangle dramatique de Karpman n’est pas une étiquette figée — c’est une grille temporaire pour mieux comprendre ce qui coince entre nous, parfois… Vous y avez sûrement déjà joué un rôle (ou deux). L’enjeu n’est pas “qui a tort” mais plutôt “comment on arrête ça”.

 

 

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